Valparaiso...

Pourquoi vouloir aller à Valparaiso ?

Parce que cette ville renvoie à tout un mythe, tout un passé, tout un imaginaire, mais-aussi parce que ce nom me faisait un peu rêver... Et que le voyage, c'est d'abord et avant tout le rêve ; celui que l'on se fait de la vie, et celui que l'on a fait et dont la quête nous pousse à partir un jour. Ne dit-on pas, "j'ai toujours rêvé d'aller voir" ceci ou cela... Moi, je ne me voyais pas trop aller au Chili sans aller voir Valparaiso... Seulement, il y a parfois des rêves, qui à l'instar des fantasmes, doivent peut-être rester à l'état premier. Pour pouvoir continuer à espérer, à conserver un imaginaire plus ou moins développé...

 

Valparaiso m'est apparu comme un délabrement, total, absolu. Celui de mon rêve, mais surtout celui de ce qu'elle a pu être. Anse entièrement tournée vers l'océan Pacifique, cette ville semble paradoxalement tout faire pour le mépriser, l'ignorer, le repousser. Quasiment impossible à approcher, l'océan semble avoir été relégué au rang des mauvais souvenirs. Les couleurs bigarrées de ces quelques immeubles encore en état, ou de ces incommensurables bidonvilles qui ceinturent et toisent la ville, ne suffisent pas à faire oublier la tristesse et la ruine de cette ville perdue. À l'image de ces multiples funiculaires, elle est arrêtée, fanée, abandonnée, et semble croupir sans espoir de renaissance... Il est des rêves qu'il faut savoir ménager, alors je préfère fuir rapidement ce mauvais songe et enfouir cette vision de désolation avant qu'elle ne devienne un bien mauvais souvenir. Je crois que j'aurais aimé m'éloigner de Valparaiso par la mer, pour qu'elle m'apparaisse bientôt lointaine et floue telle un mirage, un mauvais rêve peut-être même... Et lui renvoyer l'affront qu'elle fait en permanence au Pacifique en le négligeant pareillement, océan à qui elle doit pourtant tout simplement jusqu'à sa propre existence...

 

Valparaiso est d'une ingratitude crasse. Elle ne mérite pas même son nom poétique. François Suchel dans son livre "Sous les ailes de l'hippocampe", écrit fort justement que "certaines personnes voyagent à l'intérieur d'un nom. Ils partent pour Valparaiso, Bali ou Vladivostock afin de lever un doute : que se cache t-il derrière le mythe ?". Pour ma part, plus de doute, j'y ai trouvé la laideur, le désenchantement et la désillusion... Je rêvais à un port ouvert sur le monde et j'ai découvert un cul-de-basse-fosse où même les couleurs ne parviennent plus à émerveiller. Un carnaval de désolation. Un cancer du paysage, paraît-il si beau à sa découverte. Adieu Valparaiso.